Livre II – La chair corrompue (5)

Publié: 13 octobre 2010 dans Zoon (Finalisé)
  Un combat titanesque se livre entre deux garous tandis qu’Henry, impuissant, assiste à la scène. Quant à Magdalena,  sa femme, elle s’est enfermée dans la salle de bains…

Là, les sons étouffés paraissaient moins réels. Les coups sourds, les cris rauques, tout cela semblait si lointain maintenant… Elle était là, assise sur le tapis de bain moelleux, dos à la baignoire, caressant son ventre où le petit Joshua Payne grandissait, attendant son heure ; de petits coups de pied déformant son abdomen la firent sourire. Elle chanta alors une vieille berceuse que sa grand-mère lui entonnait le soir ; elle la lui chanta en français, usant de la langue qui était désormais la sienne :

Dors mon petit
Ne regarde pas sous le lit
Il y vit un grand loup gris
Mais s’il me voit, il s’enfuit
Comme une petite souris

Doucement, les coups de pied s’espacèrent, jusqu’à s’arrêter tout à fait.

«  Dors, mon bébé  » murmura-t-elle. Et soudain le silence l’accabla. Il n’y avait plus aucun bruit derrière la porte. Le cauchemar paraissait terminé. Mais l’angoisse l’envahit de nouveau. Où était Henry ? Où étaient passés les monstres ?

Et puis, les grattements. Derrière la porte. Comme un animal, des grattements insistants, présents. Et un reniflement sourd. La voix s’éleva peu après.

«  Maggie ? Je sais que tu es là, je te sens. Tu peux sortir désormais, tout est fini, tu es en sécurité.  »

La voix était peu audible, les mots difficilement articulés, comme éructés par une personne blessée à la mâchoire. Mais il y avait autre chose. Un ton pressant, saccadé, péremptoire. Ce n’était pas là le ton qu’employait Henry. Mais il était son mari, il la rassurait, il avait toujours été là, et digne de confiance, et en cette situation périlleuse, pourquoi ne pouvait-elle pas le croire ? Elle enleva le verrou et entrouvrit le battant. Juste pour voir l’œil injecté de sang, la bave aux lèvres, la peau étrangement écailleuse et hirsute, et la main qui s’immisça entre le chambranle et la porte, dévoilant de longues et crasseuses griffes où s’accrochaient encore des échardes de bois. Elle voulut hurler mais aucun son, aucun air ne sortit de sa gorge. Elle força sur le vantail pour le maintenir fermé, mais la créature avait une force disproportionnée, et elle se sentit projetée contre l’émail de la baignoire. L’air venant à manquer, elle se sentit s’évanouir, priant le ciel pour que l’enfant ne souffre pas.

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