Les flammes dansent et lèchent les pierres ancestrales. De ruines il ne restera, que ruines, que ruines. Le Règne des nocturnes hématophages prend fin. Je hume avec délectation le fumet de leur chair consumée, ces pauvres goules suffoquant et fuyant à l’aveugle dans l’épaisse fumée nauséabonde. Mon clan s’en donne à cœur joie, happant leur dîme au passage. Que l’Hybride se lève et étende à nouveau sa griffe sur le Domaine ! Tant de siècles passés dans l’ombre, traités en chiens de chasse par les Magnifiques, juste bon à rabattre le gibier dans leur quête de sang ! Sous le joug du Hellsinger, ployant sous le poids des chaînes qui nous liaient au Maître, nous voilà désormais libres ! La sédition née de l’intérieur, ah, mes beaux seigneurs, vous qui laissiez l’esprit supplanter l’instinct ! Voilà le beau gâchis. Voilà le fruit de votre mépris.
Nous, lycans, bestiale figure de Mère Nature, le Croc et la Griffe, l’Instinct, disposons désormais d’une aire digne de notre appétit ! Notre faim trop longtemps inassouvie va pouvoir être étanchée, oh, comme il me tarde de me délecter d’une chair vive et grasse, du regard éploré de ma proie !
Lorsque les vampires étendirent sur le Domaine leur suaire écarlate, ils asservirent mon clan, usant d’artifices grossiers que nous ne pouvions combattre. La Morsure nous marqua au fer rouge, et nous ne fûmes plus qu’animaux apprivoisés, gémissant sous le fouet. Mais au fond de nous le Grognement était toujours présent, la Rage était toujours présente. Tapie, patiente, se nourrissant au fiel de notre rancœur. Et grossissant de jour en jour.
Comme ce jour est vif en ma mémoire ! Lorsque Tristan, le Hellsinger lui-même, m’affronta, moi, Laïos, moi qui défia les Dieux et affronta le Cerbère ! La forêt frémit et trembla de nos estocs. Elle souffrit aussi, et je ressentis cette souffrance. Et ce silencieux Seigneur, virevoltant et tournoyant, tel un nuage de cendres, et fondant sur moi tel un rapace ! Et lorsque du loup il prit la forme, je ne pus qu’en rire. Un loup ? Contre moi ? Aurais-je pu savoir, aurais-je pus sentir le piège sous le duel apparemment noble ? Myriade, légion, ils furent sur moi alors que Tristan se redressait et souriait. De toutes ses dents.
Mais tout cela est désormais enterré sous quelques tonnes de pierres brûlantes. Même si…
Ce temps, si long fut-il, me permit de mieux connaître les vampires et leur immortalité. Quelques précautions supplémentaires ne pourraient être superflues.
Ainsi s’achève "Domaine", histoire de vampires pas comme les autres.
A quand la prochaine saga ? Ah oui, c’est vrai, il me reste Zoon à terminer.