Archives de la catégorie ‘Amor Fidelis (Finalisée)’

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Publié: 7 juin 2010 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Au paroxysme de leur amour, Adam et Eve se retrouvent face à un cruel dilemme ! Final. 


Son corps sans vie s’affaissa lentement dans la baignoire, alors que son sang maculait l’émail en rigoles silencieuses. Ses yeux fixaient le néant et de sa bouche un mince filet argenté s’écoulait. Elle lui tenait la main, caressant doucement ses phalanges, murmurant des mots doux frémissant sur l’eau rosie par le fluide carmin qui fuyait les veines de son amant. Elle pleura, un peu, des gouttes amères qui se mêlèrent au bain fatal. Puis elle composa le 15 et attendit.

Elle vieillit, seul, dans le souvenir d’Adam, laissant cet Amour inassouvi, inachevé, chérissant ce cahier où cet homme l’avait croqué, des traits fébriles et nerveux où transpiraient les effluves de leur union.

Puis elle disparut à son tour, poussière redevenue poussière, et l’Amour s’en fût, animal abandonné, à la recherche d’un autre maître à posséder.

Voilà ! Amor Fidelis se termine en queue de nouille comme on dit, mais en même temps ce n’est pas forcément la meilleure de mes histoires, disons plutôt un exercice de style, un pamphlet contre l’amour, j’aime pas l’amour, l’amour ça fait mal, je préfère une bonne bière 😉

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Publié: 30 avril 2010 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Révélations, Adam tombe sur une photo de son père dans la chambre de l’inconnue avec laquelle il a fauté…  (ah, les plaisirs de la chair !)


Il resta là, debout, comme figé dans le temps et l’espace, contemplant ce visage souriant, ces mains puissantes qu’il connaissait si bien, posées sur les épaules d’une jeune femme qu’il reconnut pour sa mère, elle-même tenant une petite fille dont les traits rappelaient ceux d’Evanescence. Les deux adultes avaient le teint hâlé et portaient des vêtements qui avaient connu des jours meilleurs. Il comprit alors que cette photo avait dû être prise après leur sauvetage du crash. Toutes les pièces du puzzle se mettaient en place, et un nœud se forma dans son estomac, une boule acide et épaisse qui remonta le long de son œsophage. Reculant d’effroi, il renversa un tabouret, ce qui réveilla la jeune femme assoupie sur le canapé.

Elle ouvrit doucement les yeux, s’étira dans une féline contorsion, et son regard se posa sur le jeune homme pétrifié face à elle, tenant la photographie dans un poing rageur. Elle s’approcha alors, d’un pas serein, et posa sa main sur l’épaule brûlante d’Adam.

– Qu’y a-t-il ? Tu as l’air malade ?

– Ce… cette photo ! Où l’as-tu trouvée ? Dit-il d’une voix forte où tremblaient les notes du désespoir. Il n’osait y croire… et pourtant tout était si clair désormais !

– Elle est à moi, qu’est-ce qui te chagrine ?

– Cet homme, c’est mon père ! Cette femme, c’est ma mère ! Comprends-tu ? Nous sommes frère et sœur ! Nous avons commis l’impardonnable ! Le pêché mortel ! Comment pourrais-je encore supporter de me regarder dans un miroir après cela !

Le trouble qui hanta Evanescence fit luire une perle translucide dans son regard, un bref instant. Un tremblement imperceptible de la lèvre, un spasme de la main, la chair de poule qui lui couvre les bras. Elle se ressaisit et serra Adam contre elle, bien qu’il se débattit.

– Adam, Adam, tu es mon frère, mais tu n’es pas mon sang ! Quelle faute, quel crime, quel péché avons-nous commis ? Nous nous sommes aimés, nous nous aimons, qui pourrait nous reprocher nos actes alors qu’il y a deux jours à peine nous étions des inconnus l’un pour l’autre ?

– Fini, tout cela est fini maintenant. Tout doit rentrer dans l’ordre, l’un comme l’autre nous devons accepter cet état de fait. Nous sommes désormais une famille et devons maîtriser nos ardeurs.

– Et crois-tu que je pourrais réfréner cette passion qui me brûle, cet amour qui me hante, éteindre ce feu qui m’anime ? Crois-tu, Adam, que ces fugaces instants n’ont pas gravé mon âme à tout jamais ? Crois-tu que toi, tu puisses me regarder désormais comme une sœur ?

Un long silence accueillit cette sentence. Eva, toujours enserrant le jeune homme fébrile dans ses bras, le sentit s’abandonner. Il lui souleva le visage jusqu’à ce que leurs lèvres s’effleurent, et murmura un " non ".

– Non. Je ne pourrais jamais oublier ton parfum, ton goût, la saveur de tes baisers, la texture de ta peau. Je le sais, je le sens. C’est pourquoi je vais partir.

– Partir ? Fuir ? Comptes-tu toute ta vie te cacher de ces bouleversements qui font d’une vie une aventure ? Qui font d’un cœur un foyer ? Ne vois-tu pas dans cet enchaînement l’inéluctabilité de l’Amour ? Nos parents ont fui leur destinée pour rejoindre le cours banal d’une existence loin de l’autre, et nous voilà réunis pour continuer ce qu’ils ont initié, et toi, tu brises à nouveau la chaîne ! Qui pourra alors être Amour ?

– S’il te plaît, Evanescence, pas un mot de plus. Le fardeau est trop lourd à porter. Oui, nous aurions pu être amour, vivre ensemble une existence mirifique, mais à quel prix ? Aurais-tu pu supporter cette épée de Damoclès, hantés par les fantômes d’espoirs déçus ? C’est décidé. Je pars.

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Publié: 30 octobre 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Adam et l’inconnue ont succombé aux plaisirs de la chair. L’Amour, la passion, "saudade" ? Que va-t-il advenir…


La nuit reprit ses droits, apposant sur la ville son châle obscur. La ville malgré tout s’embrasait aux lueurs des réverbères et des bâtiments, vaisseaux immobiles sur la mer d’asphalte. Adam, adossé à l’encadrement de la fenêtre, dessinait d’un trait distrait la silhouette qui se profilait derrière le double vitrage, les phares des véhicules traçant des rubans lumineux sur les pavés humides de la pluie qui venait alourdir cette fin de soirée. Des vagues de chaleur du jour, il ne restait qu’une moiteur qui collait à l’humeur, rendant le corps indolent et assoupissant l’âme. Le jeune couple avait passé la journée dans le parc de la Villette, au bord du canal de l’Ourcq, profitant de la relative fraîcheur du cours d’eau, sans parler, s’alimentant au regard de l’autre, s’enivrant chacun du parfum de l’aimé. Ils avaient ignoré la foule s’agitant autour d’eux, n’écoutant que leur cœur battre.

Aux premières gouttes ils se précipitèrent dans le métropolitain, s’engouffrant dans les entrailles de Paris, s’agglutinant dans le grand serpent de métal, à nouveaux seuls dans leur bulle, au milieu des remugles des corps fatigués.

Ils prirent une douche pour soulager leur peau des effluves de cette après-midi, puis se blottirent l’un contre l’autre, un chocolat chaud à la main, à écouter la pluie marteler les carreaux en un staccato incessant, jusqu’à ce que les cieux n’eussent aucune larme à pleurer.

Doucement, Evanescence s’endormit, le visage et l’esprit détendus. Adam se prit donc à griffonner sur le calepin qu’il avait emmené ce que lui inspirait cette ville. Déjà quelques pages s’ornaient du doux regard de sa nouvelle muse. Alors qu’il observait au travers des gouttes épaisses les toits déformés de Paris, son coude par inadvertance renversa un cadre photographique ; trois clichés glissèrent à terre, tels des feuilles mortes.

Un vieil instantané passé atterrit côté face, offrant au regard du jeune homme le visage de son père. Un éclair déchira la nuit.

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Publié: 30 septembre 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Adam et l’inconnue ont succombé aux plaisirs de la chair. L’Amour, la passion, "saudade" ? Que va-t-il advenir…


Un mince rayon de soleil blafard vint réchauffer timidement la joue d’Adam ; il cligna lourdement des yeux, découvrant peu à peu le décor qui l’entourait : il dormait sur un futon, à même le sol ; une reproduction du Don Quichotte de Picasso ornait le mur au pied du lit. Des plantes vertes aux coins de la pièce, et un modeste bureau constitué d’une planche posée sur des tréteaux, sur lequel ronronnait un ordinateur portable.

Il se retourna et observa la jeune fille qui dormait paisiblement à côté de lui. Son visage détendu et serein le rassurait ; sa respiration lente et profonde soulevait le drap qui découvrait pudiquement la naissance de ses seins. Il se leva sans un bruit et s’habilla rapidement. Son regard se posa sur l’heure qui tournoyait sur l’écran de l’ordinateur, une heure avancée, mais qui l’attendait ? Il referma doucement la porte derrière lui et descendit les marches quatre à quatre. Au coin de la rue il entra dans une boulangerie et acheta des croissants tout juste sortis du four. Des croissants français ! Une légende en Equateur, là où l’écheveau de sa vie s’était déroulé jusqu’à aujourd’hui.. Jusqu’à ce jour où, il le sentait, il avait trouvé sa Destinée.

Il rentra dans l’immeuble, inconscient du regard de la concierge, et remonta jusqu’à l’appartement de son hôtesse. Il rentra sans bruit et à pas de loup se dirigea vers la kitchenette, quand le déferlement de l’eau de la douche lui apprit que la jeune femme était réveillée. Trois petits coups furent frappés contre le mur mince qui séparait la salle d’eau de la cuisine, un appel discret mais assuré. Il entra donc dans la salle de bains, où il aperçut la silhouette mouvante de son inconnue derrière le rideau opaque de la douche.

– Bien dormi ? lui demanda-t-elle d’une voix forte.

Il se sentait curieusement gêné, quelque peu voyeur de se trouver là, à quelques mètres seulement, observant ses formes ondulantes et ses mains savonnant ce corps qu’il avait dévoré cette nuit-là…

Il bredouilla une vague excuse et retourna à la cuisine.

Quelques minutes plus tard, la jeune femme le rejoignit, vêtue d’un simple peignoir en éponge. Une bise furtive atterrit sur sa joue, puis elle s’assit en face de lui.

– C’est gentil pour les croissants, lui dit-elle dans un sourire. Tu m’as l’air tout timide maintenant ? Que comptes-tu faire ? Partir ? Je pourrais comprendre. La plupart du temps, c’est moi qui fuit, moi qui ne suit qu’une ombre dans la nuit, une forme évanescente que l’on étreint le temps d’une passion… Moi qui suit les hommes dans leur antre, une apparition. Evanescente, amusant, car c’est mon prénom, Evanescence, justement. Tu vois Adam, pour toi, je reste telle que je suis. Et toi ? Seras-tu fantôme, fantasme, éclipse ?

– Non, je… Je m’excuse, tout cela est si soudain, hier j’avais l’impression d’avoir tout perdu, famille, repère, j’arrivais ici à la recherche de mon passé, et voilà que je te rencontre et que je me sens entier, en paix, prêt à construire de nouvelles choses, à repartir de zéro… Et j’ai peur, oui j’ai peur de me tromper et que tout cela ne soit que le fruit de ma nostalgie…

– Alors ferme les yeux, Adam, et tends les mains.

Il obéit, et elle s’empara de ses mains, qu’elle posa sur son ventre doux et chaud.

– Ceci n’est pas un mirage ; puis elle guida les mains de son amant, remontant lentement jusqu’à sa poitrine.

– Ceci n’est pas une illusion ; il se leva, docilement, et ses mains continuaient à naviguer sur cette peau tiède et douce. Il caressa la gorge, puis la naissance des oreilles, enfin ses mains étreignirent le visage d’Evanescence.

– Ceci n’est pas tristesse, Adam. Ceci est mon corps, ceci est ma chair ; je suis entière, je porte aussi en moi l’empreinte du doute et la peur du lendemain. Je suis moi aussi partagée entre le désir d’oublier et de continuer cette existence paisible, ou de t’ouvrir mon cœur et mon âme et de bouleverser tout ce qui jusqu’alors étaient mes repères. Je ne te connais pas, mais je te ressens comme jamais je n’ai ressenti quelqu’un. Je suis toi et tu es moi. Nous ne sommes qu’un. Adam. Reste.

Il resta.

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Publié: 10 septembre 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Succombant aux charmes de la jeune inconnue, Adam, fraîchement débarqué à Paris, s’embarque dans un romantisme de base…


A l’arrêt du RER B, elle le fit descendre en le tenant par la main ; ils remontèrent les escaliers quatre à quatre pour arriver devant les grilles du parc Montsouris ; là, après un sourire espiègle, elle escalada les grilles, en partie cachée par un kiosque fermé à cette heure-ci, et il la suivit. Le parc était désert et silencieux, seulement hanté du chant d’oiseaux nocturnes et de la brise secouant les feuilles. L’obscurité était totale, n’étaient-ce les ombres mouvantes à la lueur des réverbères à l’extérieur du parc. Ils marchaient main dans la main, silencieux, engoncés dans leur bien-être, s’emplissant de cette nature domptée mais vivante, si vivante, et leur chaleur humaine dansant autour d’eux comme mille feux-follets. Adam se tourna vers la jeune femme, caressant du pouce les phalanges de sa guide, et effleura de ses lèvres une joue refroidie.

– Tu ne m’as pas dit comment tu t’appelais ?

– Est-ce important ? Est-ce nécessaire ? Pourquoi ne m’appellerais-tu pas Fleur ou Fantasme ? Comment me nommerais-tu, telle que tu me vois ce soir ?

Adam sourit à cette remarque. Depuis que la jeune femme était apparue à ses sens, tout lui paraissait remis en question, un ordre nouveau s’établissait. De nouvelles structures s’érigeaient, solides, sur lesquelles il lui semblait pouvoir s’appuyer, construire, ériger un avenir sûr.

– Je… Je t’appellerai Mienne.

Elle se mit à rire, d’un rire franc, sonore, éclatant, lumineux.

– Alors je serai tienne, Adam. Je serai tienne. Maintenant.

Elle s’assit alors dans l’herbe tiède de cette chaude journée, et ôta ses oripeaux un à un, comme on effeuille une marguerite. Là, à l’abri des regards, elle s’offrit à l’air nocturne, sa peau s’ornant d’une myriade de perles sous la fraîcheur relative de la nuit. Adam, suffoqué, se laissa entraîner sur le tapis de verdure, et leurs deux être s’échauffèrent à l’unisson.

Ils s’assoupissaient lentement désormais, leurs corps alanguis et éreintés, lorsque les pas du gardien du parc les éveillèrent. Ils s’habillèrent prestemment et rejoignirent le grillage qu’ils escaladèrent, retenant le rire qui secouait leurs entrailles. Ils terminèrent cette nuit dans le lit de l’inconnue, enlacés et fourbus.

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Publié: 7 août 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Adam, à Paris, a fait la rencontre d’une charmante demoiselle ; elle l’a pris dans ses rêts… Que va-t-il advenir ?


Il l’attendit sur le parvis de l’église, regardant le soleil se coucher derrière la préfecture, impatient de croiser de nouveau son regard ; il se sentait fébrile, pris dans ce feu qui l’avait hanté à sa rencontre avec Llorca, à ce premier baiser échangé derrière le hangar ; à cette caresse maintes fois répétée, sa main à lui dans sa chevelure à elle, soyeuse ; et déjà son doux visage s’effaçait et celui de l’étrangère se dessinait en palimpseste…

Elle sortit, et s’arrêta un instant sur le seuil, contemplant les derniers rayons iriser les toits des bâtiments. Elle tourna la tête et le vit, assis, là, la contemplant, elle ; elle sourit de nouveau, puis continua son chemin, l’air de rien.

Adam se leva alors et se précipita à sa rencontre.

– Mademoiselle… mademoiselle, je suis désolé de vous importuner, je… je viens d’arriver en France, je me sens perdu, et là je vous vois, et je me sens chez moi un peu…

Ce disant, il se rendit compte que ses paroles étaient ridicules, et ne put s’empêcher de rougir. Mais lorsqu’il vit son sourire s’élargir, son regard pétiller, il se redressa.

– C’est la phrase la plus romantique que l’on m’ait dite ! D’où venez-vous ? Que venez-vous faire en France ?

C’est ainsi qu’ils firent connaissance, baignés dans la lueur mourante du jour, déjà éclairés par les lumières artificielles de la Cité, marchant l’un à côté de l’autre, traversant la Seine ; instinctivement, elle lui donna le bras.

Ils s’installèrent à la terrasse d’un café et continuèrent à parler ; Adam, surtout, ressentait se besoin irrépressible d’ouvrir les vannes à sa douleur et à cette solitude qui l’avait envahi. Il parla de son enfance, de la découverte de son passé, sans entrer cependant dans les détails. La jeune femme l’écoutait, émerveillée, attendrie, son regard aimanté sur ce jeune homme à la peau basanée, fort et fragile à la fois ; il était plus de vingt-deux heures lorsqu’elle lui demanda :

– Mais où dormirez-vous ce soir ?

– J’avais pensé réserver une chambre à l’hôtel…

– Les hôtels sont hors de prix ici. Voudriez-vous dormir chez moi ? Ce n’est pas bien grand, mais il y a un canapé-lit plutôt confortable. Oh, ne vous sentez pas gêné, cela me ferait plaisir… Je ne sais pas comment dire cela, ce n’est pas mon genre d’habitude, mais… Vous… Tu… Je me sens bien avec toi, j’ai envie de continuer à t’écouter, demain c’est samedi et je ne travaille pas, je pourrais te faire visiter la Capitale, et après tu pourras continuer ton investigation ! Enfin, si tu veux bien…

– Pourquoi je refuserais ton hospitalité ? J’aurais beaucoup de mal à m’endormir loin de toi ce soir… Crois-tu à la destinée ? Crois-tu que nous devions nous rencontrer ?

– Ma grand-mère croit beaucoup à ce genre de choses… Je suis plus pragmatique…

Elle baissa la voix et chuchota à son oreille, ce qui le fit frémir :

– Moi aussi j’ai très envie de toi… Cette nuit, déjà, nous verrons ce qu’il adviendra par la suite…

Elle lui prit la main et le guida dans les profondeurs du métropolitain parisien.

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Publié: 3 juillet 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Adam est arrivé à Paris. Et maintenant ? On se fait un peu chier quand même non ?


Adam fut brutalement tiré de sa rêverie par le retentissement des cloches qui tonnaient huit heures du soir. Il se releva brutalement et se cogna le genou dans le banc devant lui. Maugréant, il sortit en claudiquant et bouscula une jeune femme qui entrait à ce moment-là. Il la bouscula involontairement, leurs corps s’entrechoquant, leurs épaules cognant l’une contre l’autre. Il la bouscula, et cet instant dura une éternité. Son parfum envahit ses narines, un mélange fruité, discret et subtil. Et derrière ce parfum, une fraîcheur, un souffle virginal, ses cheveux comme une vague de jais, voletant légèrement, laissant derrière eux une fantasmatique senteur de shampooing, pèche peut-être. Et sa peau, sa peau égrenant à chaque goulée son odeur à elle, cette odeur, l’odeur de la femme-fleur, cette empreinte olfactive unique, cette clef qu’il lui semblait être la réponse à toutes les énigmes de son existence, le but ultime.

Il la bouscula, et il lui sembla puer la sueur et la poussière ; et sa peau à elle semblait si parfaite, si douce, un satin soyeux, alors qu’Adam, sa peau à lui, un lin rêche et sans attrait. Il la bouscula et voulut disparaître. Il bredouilla une vague excuse, et elle lui sourit.

Elle lui sourit.

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Publié: 8 juin 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Adam s’est embarqué dans un vol sans retour vers la France, d’où son sang est parti…


L’atterrissage s’effectua sans encombre alors que le jour déclinait ; sur le tarmac le ballet des gigantesques oiseaux de métal fascinait Adam ; les vapeurs de kérozène dessinaient des volutes dans l’air encore brûlant. Il descendit, suffoquant légèrement après le froid climatisé de la cabine de cette atmosphère étouffante et empuantie. La navette fila vers le terminal où, avec les autres passagers, il s’agglutina le long du tapis roulant, happant son bagage au passage. Le brouhaha, les cris, les retrouvailles, les annonces des haut-parleurs dans cette langue qu’il ne maîtrisait pas totalement l’étourdirent un instant ; il s’affala sur un siège vide.

Et maintenant ? Se dit-il. Il avait une photo, une adresse, quelques centaines d’euro. Il fut tenté d’envoyer une carte postale à Llorca, puis se ravisa. Reviendrait-il ? C’était peu probable. Il se dirigea alors vers le RER et s’engouffra dans le serpent rouillé en direction du cœur de la capitale. Il lui sembla que les regards baissés, anonymes, absorbés, l’évitaient, lui ; un ostracisme qui accrut sa solitude du moment.

Saudade. Mélancolie, Amertume, tristesse, éloignement. Seul. Désormais. A tout jamais ? Il se laissa ballotté par les cahots du métro s’enfonçant toujours un peu plus dans les profondeurs de la terre. Il descendit à Saint-Michel Notre Dame, rejoignit l’île de la Cité et se précipita dans la fraîcheur de la cathédrale.

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Publié: 8 Mai 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Adam ayant appris que sa mère vit (a priori) en France doit désormais reconstituer sa vie à partir des pièces du puzzle… Y parviendra-t-il ?


S’engageant dans le couloir qui menait à la porte d’embarcation numéro douze en direction de Paris, Adam ne put réprimer un soupir. Qu’allait-il faire une fois arrivé en France ? Etait-ce son pays, son identité ? Il s’était longuement regardé dans le miroir parsemé d’éclaboussures suspectes des toilettes publiques, observant son teint hâlé, sa peau déjà tannée par le soleil, ses cheveux blonds coupés courts, semblables à un champ de blé après les moissons, ses yeux profonds et rieurs d’apparence ; malgré cela, il se sentait mexicain, tout autant que tous les camarades qu’il laissait, et qui le surnommait " Adamarillo ", tous ceux qui avaient partagé sa jeunesse… Et Llorca.

Il monta à bord de l’avion avec appréhension. C’était la première fois qu’il quittait Cancún ; et qui plus est qu’il quittait le continent américain ! Qu’allait-il trouver là-bas ? Des réponses ? Il n’avait même pas les coordonnées de sa mère. Les maigres indices que son père lui avait fournis lui permettrait-il de reconstituer le puzzle de son existence ?

Il s’assit et attacha sa ceinture, suivant scrupuleusement les instructions de l’hôtesse de l’air qui, au son d’une voix off, mimait les différentes consignes de sécurité, indiquant les issues de secours, la sortie du masque à oxygène et le gilet de sauvetage sous le siège. Tout cela dans un espagnol au fort accent français. Il se remémorait l’histoire de son père, ce crash dont ils avaient survécu et qui avait été le début de leur amour. Fermant les yeux, il s’imaginait le bruit des parois se déchirant, la violence du vent contre sa peau, les échardes de métal se plantant autour de lui, la puissance de la gravité le ramenant au sol.

A côté de lui, une vieille dame lui sourit gentiment.

– C’est la première fois que vous prenez l’avion ? Ne soyez pas si tendu, il n’y a rien à craindre ! Je le prends deux fois par an pour aller voir mon fils qui a réussi en France, c’est lui qui me paie le billet alors vous pensez ! La seule chose que vous ayez à craindre, ce sont les plateaux-repas !

Amusé et peu à peu rassuré par le ton désinvolte de sa voisine de cabine, il se détendit quelque peu.

Puis l’avion décolla ; il garda les yeux rivés sur le hublot, observant l’asphalte défiler de plus en plus vite, puis s’éloigner alors que les réacteurs rugissaient ; l’aéroport de Veracruz apparut bientôt comme une balafre sur la peau émeraude ; puis les dédales de la cité tentaculaire cédèrent la place à l’étendue océane.

Désormais il était seul.

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Publié: 21 janvier 2009 dans Amor Fidelis (Finalisée)

Adam sait désormais qui est sa mère, il a appris l’existence de sa soeur. Il n’a qu’une envie, recomposer ce passé. Pardonnera-t-il à son père ?


A l’aube naissante Adam avait déjà empaqueté un maigre balluchon, contenant quelques affaires de rechange, ses maigres économies et sa carte de crédit. Il avait aussi subtilisé la photo de sa mère et de sa sœur, et sa poche droite de chemise était déformée par un petit carnet dans lequel il avait pris quelques notes suite à la discussion qu’il avait eu avec son père. Celui-ci, malgré une réticence plus que palpable, avait raconté toute la triste histoire de cet amour, cette insouciance qui les avait quittés une fois la civilisation retrouvée, et la rupture douloureuse, mais nécessaire. Le jeune homme n’avait pas prononcé un mot durant le monologue de son père, observant les rides profondes qui se creusaient sur ce visage hâlé alors que les souvenirs remontaient à la surface, chagrin amer et lancinant. Il s’en voulut quelque peu de faire revivre à Lans ces instants fugaces et heureux, l’accalmie d’une vie subrepticement empruntée.

L’orage passé, il embrassa son père, mais ne lui pardonna pas ses années effacées. Il devait partir.

Longeant le couloir qui menait à la porte d’entrée de leur maison, il s’arrêta un instant devant la chambre de son père. Et s’il restait ? Qu’adviendrait-il d’eux ? Ne pouvait-il pas, comme son père, oublier, enterrer une fois pour toutes ce passé ; essayait-il de se construire une autre vie ou tentait-il de retrouver ces moments oblitérés ? Non, il n’était plus temps. Partir. Il le fallait.

Alors qu’il passait devant la cuisine, il vit son père assis devant une tasse de café.

– Tu ne veux pas prendre un café avant de partir ?

D’abord abasourdi par la réaction de son père – n’aurait-il pas dû le retenir, le raisonner ? – il raffermit sa poigne sur son sac à dos et hocha négativement la tête.

– Je dois partir maintenant.

– Ce n’est pas à moi de te dire ce que tu dois faire. Tu es adulte maintenant, tu peux prendre tes décisions toi-même. Oui, j’ai fui devant les obstacles ; j’ai voulu t’offrir une vie plus facile que celle que j’ai eu. Ai-je réussi ? Je ne crois pas. Vas où ton destin te mène. Tu me manqueras. Reviens-moi, écris-moi, ne m’oublie pas, fils.

Adam sentit les larmes envahir sa vision. Pleurer, maintenant ?

Maintenant. Ou jamais. Ils s’étreignirent une dernière fois. Puis Adam ouvrit la porte, laissant pénétrer les rayons glissants sur les plus hautes feuilles des caféiers. Lans regarda la silhouette de son fils descendre le chemin jusqu’à la ville. Puis il ferma la porte de la maison, silencieuse et désolée.